Par Suzanne Day

Les difficultés d’apprentissage et d’attention sont un souci pédagogique croissant pour les éducateurs et les parents. Cependant, des problèmes émotionnels et sociaux sont profondément enracinés dans ces faiblesses et sont moins souvent compris. Le succès d’une personne est grandement relié à ses capacités sociales et non seulement à ses habiletés académiques. L’impact émotionnel des difficultés d’apprentissage et d’attention sur la personne et ceux en relation avec lui ou elle et certaines des solutions pour commencer à traiter ces questions seront le sujet de ce court article. Le terme « il/lui » sera utilisé pour l’enfant de genre masculin ou féminin afin de faciliter la lecture de cet article. La liste des références fournie à la fin n’inclut que les plus importantes.

Une définition de « émotion »

Premièrement, regardons ce que sont les émotions. Bien que les « experts » ne s’entendent pas sur la définition de l’émotion, ils s’accordent sur l’évidence expérimentale scientifique que les expressions faciales de colère, de crainte, de tristesse, de joie et de dégoût sont universelles. J’aime personnellement l'explication électro-biochimique de l’émotion : chaque pensée et chaque émotion est un événement électrochimique ayant des conséquences physiologiques. Le siège de l’émotion est maintenant reconnu comme étant non seulement dans le cerveau, mais dans les réseaux psychosomatiques qui s’étendent dans le corps entier, incluant le cœur, l’intestin, le système hormonal et le système immunitaire, agissant en concert. Les processus émotionnels agissent plus vite que les pensées, outrepassant la pensée linéaire. La cohérence mentale et émotionnelle est de la plus haute importance. Il est reconnu que l’émotion et la mémoire sont intimement reliées. Par exemple : nous allons nous rappeler plus facilement lorsque nous sommes dans un état d’émotion positif que lorsque nous devons apprendre sous pression. Des émotions non gérées, produisant des réactions de « combat » ou de « fuite », alourdissent le corps entier et laissent moins d’énergie pour travailler, dans des domaines de faiblesses d’apprentissage et d’attention. 

Les caractéristiques émotionnelles d’un enfant avec des difficultés d’apprentissage

La recherche démontre que des individus ayant des difficultés d’apprentissage et d’attention abandonneront facilement parce qu’ils dépendent des autres pour résoudre leurs problèmes. Ils seront considérés comme étant « immatures » et ayant de la difficulté à se développer. Ils risquent plus d’être l’objet de déclarations négatives et peu encourageantes, ce qui réaffirmera leur manque d’estime de soi. Ces individus sont moins capables de résoudre des problèmes sociaux ou d’accomplir des interactions sociales complexes avec succès, telles que la persuasion et la négociation. Ils sont plus susceptibles d’être rejetés ou isolés par leurs camarades de classe. Ils ont aussi moins de tolérance pour la frustration et les échecs.

Les difficultés émotionnelles reliées au langage

Nous savons que la plupart des difficultés d’apprentissage sont accompagnées de certains types de difficultés de langage. Les difficultés de langage sont profondément impliquées dans l’acceptation sociale. L’enfant s’inquiète plus du fait de ne pas être invité à une fête d’anniversaire que de manquer le test d’orthographe. Sa difficulté avec l’analyse logique de cause à effet comme « le fils du père de ma tante » limitera son interprétation et ses déductions qui, à leur tour, interféreront dans ses conversations. Ses fréquentes interruptions, par exemple : « Qu’est-ce que tu veux dire, je ne comprends pas ! », vont le frapper d’ostracisme. De même, lorsque avec des amis, il ne rira pas d’une blague simplement parce qu’il ne l’a pas comprise. Rire « ensemble » est une expérience sociale très importante qu’il n’expérimentera pas facilement. Poser adéquatement des questions est une habileté sociale, pour laquelle il aura besoin d’aide pour arriver à la maîtriser. Il a plus tendance à observer qu’à interagir et jouera habituellement seul ou avec des gens plus jeunes ou plus vieux. Il sera souvent « le dernier choisi et le premier à être harcelé ». Des sentiments de culpabilité et de honte, venant du fait qu’il ne se comporte pas adéquatement, des sentiments de doute, de dépression et de colère le dirigent souvent. Il peut changer sa culpabilité en une forme de colère envers ses parents : il les blâme à cause de sa condition, mais aussi parce qu’ils continuent, avec raison, à s’attendre à ce qu’il accomplisse ce qu’il est capable de faire. Ces émotions négatives affaibliront son corps tout entier. Il se plaindra de maux de tête, de maux de ventre, d’être fatigué ou de manquer d’énergie, d’allergies et/ou d’asthme qui ne sont que certains des problèmes physiques communs. La générosité, le désir d’aider et une grande sensibilité aux émotions des autres sont des aspects positifs souvent découverts dans sa personnalité. Aussi longtemps que l’enfant (ou l’adulte) qui a une difficulté d’apprentissage renie le fait qu’il a des limites dans sa capacité à traiter l’information, il met la faute sur d’autres personnes : « l’examen n’est pas bien écrit », « le professeur n’explique pas assez », « ma mère ne me comprend pas », etc. Il doit en arriver à reconnaître et accepter ses propres limites avec les conséquences et les frustrations, pour se libérer du fardeau de toujours mettre le blâme sur quelqu’un d’autre, pour trouver des stratégies afin d'améliorer ses habiletés d’apprentissage et pour en arriver à une maturité émotionnelle.

Les difficultés émotionnelles des enfants avec des troubles de l’attention

Un enfant ayant des problèmes d’attention, le type inattentif, aura tendance à être « dans la lune » et pris dans son petit monde. Il se sentira facilement « tanné » si la conversation n’est pas dirigée vers son champ d’intérêt. Il peut quitter le jeu au milieu de l’action ou il peut essayer de contrôler la conversation et de la diriger sur lui-même. S’il devient un « moulin à paroles »,  il peut ne pas reconnaître les signes d’ennui chez ses auditeurs et peut se penser mis de côté... se parlant à lui-même. Le type impulsif parlera lorsque ce n’est pas son tour et interrompra la conversation, amenant celle-ci à avoir une allure « disloquée ». L’enfant hyperactif aura intrinsèquement besoin de bouger son corps et peut partir au milieu de la conversation. Ces enfants seront plus sujets aux accidents et on les trouvera dans le salle d’urgence de l’hôpital plus souvent que les autres enfants. Leurs traits positifs tels que la spontanéité, la créativité et l’enthousiasme pour de nouvelles expériences peuvent produire un courant d’énergie dans leurs relations qui est extraordinaire.

Les parents de ces enfants

Les parents de ces enfants réagissent souvent avec impatience : « Si tu es capable de faire ceci aussi bien, tu devrais être capable de faire cela ! », « Déniaise-toi ! », « Tu es paresseux !!!! »  L’enfant se sentira honteux, coupable et très souvent sa colère augmentera puisqu’il ne sait pas « comment agir autrement ». Ses parents ont souvent beaucoup le ressentiment de ne pas avoir « l’enfant idéal » et de ne pas être capable d’offrir une « bonne image sociale ». Toutefois, ils doivent arriver à accepter que cet enfant soit « le leur ». Un des parents en viendra souvent à réaliser que cet enfant « est tout à fait comme moi lorsque j’étais jeune ». Des émotions profondément enfouies seront ravivées dans le cœur de ce parent ainsi que le souvenir intériorisé des réactions peu aimables des adultes envers lui lorsqu’il était plus jeune.  Le comportement de l’enfant peut « déclencher » des souvenirs émotionnels refoulés chez l’adulte. Malheureusement, trop souvent, le parent réagira d'abord envers l’enfant de la même manière dont il/elle a été traité(e) lorsqu’il/elle était jeune, causant à son propre enfant des douleurs émotionnelles similaires à celles que le parent a souffertes. C’est alors que l’autre parent peut chercher à protéger l’enfant, ce qui peut nourrir une amertume et une colère envers le conjoint et créer une pression sur la relation de couple. L’enfant ayant des difficultés d’apprentissage ou des troubles d’attention est très dépendant d’une stabilité émotionnelle autour de lui. Il est plus sensible et peut réagir inconsciemment au manque « d’harmonie conjugal ». Cet enfant peut aussi devenir un bouc émissaire pour une famille disfonctionnelle : le problème conjugal et/ou personnel d’un parent est projeté sur l’enfant. Cette situation rend la recherche de solutions plus complexe.

Comment les parents peuvent-ils intervenir?

Personne ne peut traiter un problème efficacement avant de le reconnaître pour ce qu’il est vraiment : accepter la réalité. Le problème de l’enfant peut être identifié à travers un examen neuropsychopédagogique. Ceci peut être la première étape pour fournir une analyse objective des forces et faiblesses d’apprentissage d’un enfant et de mieux comprendre la nature et l’étendue de ses difficultés. Des stratégies d’apprentissage adéquates seront essentielles pour traiter ses faiblesses afin qu’il puisse connaître des réussites dans ses habiletés de base. Ceci a été discuté dans d’autres articles et ateliers. Une thérapie de famille et/ou de l’aide conjugal peuvent être nécessaires pour mieux comprendre et améliorer certaines causes premières du problème, de nature émotionelle.

Une période de « deuil » peut être nécessaire pour les parents. Accepter l’enfant pour « qui il est » permettra aux parents de faire « sentir » à l’enfant qu’il est accepté et aimé. C’est une chose de dire « je t’aime » à un enfant, mais ce qui est plus précieux est de lui faire « sentir » qu’il est aimé. La réaction physiologique de se sentir aimé produit une accélération du rythme cardiaque et du système nerveux parasympathique, ce qui influence la perception et le comportement. Un adulte qui a vécu cette expérience du manque de « se sentir aimé » doit premièrement, du fond du cœur, pardonner à ceux qui lui ont fait un tort dans sa propre enfance, afin de laisser l’amour et la patience émerger de son cœur, particulièrement envers un enfant qui a des problèmes d’apprentissage et d’attention. L’enfant devra aussi être formé à pardonner continuellement ceux qui l’ont blessé volontairement ou involontairement et à ne laisser aucune racine d’amertume germer dans son cœur.

Le « don de temps » est une autre partie importante de la solution. La « permission » de jouer avec des enfants plus jeunes peut donner à l’enfant le temps et la pratique nécessaires pour s’entendre avec d’autres dans un contexte sécuritaire. Refaire un niveau scolaire peut aussi permettre à l’enfant de devenir plus mature et de se sentir plus confiant parmi des « pairs plus jeunes ». Encouragez-le et enseignez-lui à poser des questions pertinentes selon des situations précises, comme lorsqu’on rencontre une personne pour la première fois. Écoutez attentivement lorsqu’il tente avec difficulté d’expliquer des idées qui vous semblent décousues. Il a besoin de quelqu’un qui peut bien l’écouter, afin qu’il puisse expérimenter, dans ses émotions, l’aspect relationnel « d’être reçu ». Richard Lavoie, dans son excellent vidéo « Le dernier choisi, le premier harcelé », explique une stratégie utile appelée « l’autopsie des habiletés sociales » pour des enfants impulsifs. L’« erreur » est analysée dans la tentative de découvrir « comment cela aurait-il pu être fait autrement » afin d’élaborer une meilleure réponse pour la prochaine fois. Il explique aussi que « nous devons préparer l’enfant pour la situation et la situation pour l’enfant ».

Dans les dernières quelques décennies, notre compréhension des difficultés d’apprentissage et de méthodes pour y remédier s’est grandement améliorée. Cependant, nous devons maintenant poursuivre la recherche afin de mieux répondre aux besoins émotionnels de ces individus. Cet article a pour but d’essayer de vous guider dans votre processus personnel. Il y a plusieurs autres aspects des besoins émotionnels de ces enfants et de leurs parents que vous pouvez découvrir. La consultation individuelle et la lecture sur le sujet sont recommandées.

Références

No one to play with, par Betty B. Osman
Vidéo de Richard Lavoie « The last picked, the first one to be picked on »
The Molecules of Emotions, par Candace B. Pert, Ph. D.
Heart-Brain Neurodynamics, par Rollin McCraty, Ph. D.
Neurocardiology, par J. Andrew Armour, M.D., Ph. D.

Copyright 2005 Suzanne Day, Neuropsychophysiologiste, Psychopédagogue et Neurodéveloppementaliste

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